Von Anfang an legte Schweitzer Wert darauf, dass sein Werk “überkonfessionell und international” sein sollte, obwohl er, wie er sagte, “in Symbiose” mit der Société des Missions Evangéliques de Paris handelte. Er war davon überzeugt, dass “jede humanitäre Aufgabe in kolonialen Ländern (heute würden wir sagen: in den Ländern der Dritten Welt) nicht nur den Regierungen oder religiösen Gesellschaften, sondern der Menschheit als solcher obliegt” (A l’orée de la forêt vierge). Kurzum, Schweitzer hatte bereits zu Beginn des Jahrhunderts die Idee der NGOs – Nichtregierungsorganisationen – zur Unterstützung von Ländern in Not entwickelt und umgesetzt.
Arrivée à Lambaréné
Le 21 mars 1913, Vendredi Saint, Hélène et Albert Schweitzer quittaient Gunsbach pour embarquer, le 26 mars, à Bordeaux. Ils arrivèrent le 16 avril à Lambaréné où ils furent amicalement accueillis par les missionnaires sur la station d’Andendé où il était impossible de réunir la main-d’œuvre nécessaire à la construction d’une simple baraque en tôle ondulée. Le travail lié au commerce du bois d’okoumé payait en effet beaucoup mieux et était une concurrence indépassable à l’époque.
C’est le tam-tam qui annonça l’arrivée du médecin et, malgré le délai de trois semaines demandé aux indigènes par les missionnaires pour laisser le temps au « grand docteur » de s’installer, le succès fut tout de suite tel que Schweitzer fut obligé d’utiliser sa maison comme pharmacie et d’installer la salle d’opération dans un vieux poulailler.
Schweitzer était alors aidé par sa femme Hélène et trouva un précieux auxiliaire en Joseph, un Africain qui était le cuisinier de Savorgnan de Brazza. Joseph servait aussi de traducteur pour les différents idiomes parlés dans la région. Dans ses traductions, son langage de cuisinier donnait de surprenants résultats tel que le célèbre : « elle a mal dans le gigot droit » et autres savoureux aphorismes.
Médecin et bâtisseur
Vers la mi-novembre put enfin être inauguré un « vrai » dispensaire, une baraque en tôle, relativement fraîche, car bien ventilée, grâce aux indications de Schweitzer qui avait fait aménager une ouverture au-dessus des fenêtres, sous le toit en auvent, permettant ainsi à l’air chaud de s’échapper. Dans le courant de décembre, deux autres baraques furent encore construites, une salle d’attente et un dortoir pour les malades. La Mission avait finalement autorisé Schweitzer à bâtir ce qu’il jugeait nécessaire sur un emplacement défriché au pied de la colline où il habitait, près du fleuve Ogooué.
Dès les premiers temps donc, poussé par les urgences qui se présentaient, Schweitzer fut à la fois médecin et bâtisseur et, l’Hôpital une fois construit et s’agrandissant, il en fut naturellement le directeur, un patron, un chef. Le même homme assumait ainsi trois charges que d’habitude on sépare et attribue à des personnes différentes. Le bâtiment du dortoir en place, les patients ou des membres de leur famille furent appelés à faire eux-mêmes des bois de lit : « quatre pieux solides, terminés en fourches, sur lesquels reposent des rondins de bois entrecroisés, le tout lié au moyen de lianes ». De l’herbe sèche servait de matelas. C’était aussi simple, aussi « rudimentaire » et élémentaire que cela. Réaliser autre chose (un hôpital à l’européenne) n’était pas pensable, n’aurait pas été adapté et de toute façon n’était pas possible financièrement.
C’est dans ce même état d’improvisation forcée, répondant aux besoins de l’heure et correspondant aux « moyens du bord », que fut « inventée » la formule originale du village-hôpital qui fera progressivement la renommée de son fondateur, mais qui prêtera aussi, vers la fin de sa vie, le flanc à des critiques. Avec l’indépendance et les promesses de développement, quelque temps après la Seconde Guerre mondiale, les Africains eux-mêmes pourront vouloir, parce que ce sera techniquement faisable, des hôpitaux modernes et par comparaison ils pourront juger « primitifs », comme étant un reliquat du colonialisme, les installations et le mode de fonctionnement de l’Hôpital Schweitzer. Mais… l’esprit du temps change très vite. Aujourd’hui, certaines illusions se trouvant dissipées, l’extension d’une certaine modernisation, sur le modèle occidental, se trouvant mise en cause, on reconnaît à nouveau mieux l’originalité « africaine » de l’œuvre de Schweitzer à Lambaréné, son heureuse adaptation à la situation, aux besoins et aux coutumes de ce pays, « entre eaux et forêt vierge ».
L’œuvre, commencée en 1913, fut, on le sait, freinée à peine un an et demie plus tard par la guerre mondiale, puis interrompue en 1917 par le départ manu militari des Schweitzer, leur expulsion du Gabon et internement provisoire en France. Ils pouvaient même craindre, en ces temps de bouleversement, que ce ne fût la fin.
Walter MUNZ
(Publié dans les Cahiers Albert Schweitzer N°93, Septembre 1993, p.23-25)