Albert Schweitzer dans les médias
1. Albert Schweitzer
Albert Schweitzer (1875-1965) était musicien, philosophe, théologien, médecin, pionnier de l’aide humanitaire, fondateur en 1913 d’un hôpital au Gabon, et en 1915 de l’éthique du « Respect de la Vie ». Les américains le considéraient au 20ième siècle comme « le plus grand homme du monde ». Sa correspondance avec de nombreuses personnalités du monde entier est immense (J.F. Kennedy, Albert Einstein, les reines d’Angleterre, de Belgique, des Pays-Bas, L’abbé Pierre, le Dalaï-Lama…). Il a inspiré des figures comme Rachel Carson, Karen Blixen, Joséphine Baker, les fondateurs de médecins sans frontières… A son décès Martin Luther King a réagi en écrivant que c’était « l’une des plus brillantes étoiles du firmament humain » qui s’éteignait avec Schweitzer. « En comparaison de certains des géants qui ont reçu ce prix – Schweitzer et King ; Marshall et Mandela – mes réalisations sont faibles », c’est ainsi que Barack Obama commençait son discours de réception du prix Nobel de la paix en 2009.
2. Pourquoi ?
Ce n’était pas gagné d’avance entre la France et cet alsacien, qui n’a jamais voulu renier ce qu’il devait à l’Allemagne, dans son éducation, sa formation universitaire (trois doctorats en philosophie, théologie et médecine), sa vie… Lorsqu’il arrive en 1913 dans une colonie française en tant qu’allemand, il est suspecté d’être un espion pour le compte de l’Allemagne. En 1917, lui et son épouse Hélène Bresslau seront arrêtés dans leur hôpital puis internés civils dans le sud de la France. En 1919, l’Etat français donne l’ordre aux pasteurs de dire dans leurs sermons que la victoire française avait été voulue par Dieu. Schweitzer désobéit en affirmant devant ses paroissiens qu’il n’y a pas de victoire, que c’est un échec de l’humanité et que nous avons tous failli, ensemble, au commandement de ne pas tuer. Il sera peu après mis sous surveillance par la police française, qui suspecte que ses concerts dans toute l’Europe qui lui servent à récolter des fonds pour l’hôpital, soient en fait une couverture pour faire de la « propagande germanophile »…
Lorsque les américains révèlent l’œuvre de Schweitzer au Gabon, les distinctions pleuvent et viennent de tous les pays, dont la France avec la légion d’honneur en 1948.
Lorsqu’il obtient en 1952 le prix Nobel de la paix, les médias français s’empressent de mettre en avant sa citoyenneté française. On le presse des deux côtés du Rhin à s’exprimer sur sa réelle appartenance, ce qu’il ne fera bien sûr jamais. Il s’oppose fermement à toute forme de nationalisme depuis sa jeunesse, et regrettait déjà que ceux qui ne reconnaissent pas les frontières nationales soient sans cesse obligés de se justifier. Il préfère dire qu’il est « homme de Gunsbach et citoyen du Monde ».
En 1957, il reprend, à la suite de son ami Albert Einstein mort désespéré, le combat contre les armes atomiques et les essais nucléaires. Il lance 4 appels sur radio Oslo, retransmis dans le monde entier et traduits dans de nombreuses langues. Il redevient alors une cible des médias et des politiques qui tentent de décrédibiliser son discours en faisant surgir des rumeurs, critiquant son modèle hospitalier et un soi-disant comportement raciste ou colonialiste, n’hésitant pas à utiliser des faits démentis par les habitants. Les gabonais ayant côtoyé Schweitzer tentent encore aujourd’hui de changer cette image négative qui s’est ancrée dans certains esprits, mais les moyens limités et le fait que les œuvres (une trentaine d’ouvrages) de Schweitzer soient peu et mal traduites en français rend la chose difficile.
3. Le « Respect de la vie »
L’œuvre de Schweitzer est prolifique, entre ses écrits sur le christianisme, les religions indiennes et chinoises, son œuvre au Gabon, la musique de Bach, les philosophies de Kant et Goethe, sa réflexion profonde sur le déclin de la civilisation occidentale et l’éthique qu’il propose dès 1915 pour la régénérer : le Respect de la Vie, qui fut le fil conducteur de sa pensée et ses actes. Il est un précurseur dans de nombreux domaines, son œuvre gigantesque et intemporelle, tout comme son optimisme à toute épreuve, en font une figure très inspirante. Notre but est de le faire (re)découvrir au public français.
4. L’Association Internationale pour l’œuvre du Dr Albert Schweitzer de Lambaréné
L’AISL, fondée en 1930 par Schweitzer, a pour mission aujourd’hui de diffuser cette éthique et de faire plus largement connaître son œuvre. Elle fédère des associations dans plusieurs pays d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et d’Asie.
Le siège de l’AISL s’est établi dans sa maison de Gunsbach, où il vivait entre ses séjours en Afrique et d’où s’organisaient les liens entre l’Europe et l’hôpital de Lambaréné. Elle a été ouverte au public en 1967, deux ans après le décès de Schweitzer, et a récemment connu d’importants travaux de restauration et d’extension, afin qu’elle continue de transmettre l’éthique du Respect de la Vie aux nouvelles générations, comme le souhaitait par-dessus tout son illustre habitant.
Jenny Litzelmann
« J’appelle l‘humanité à l’éthique du respect de la vie. Cette éthique ne fait pas de différence entre une vie ayant plus de valeur et une vie ayant moins de valeur, entre une vie supérieure et une vie inférieure. Elle refuse une telle distinction, car accepter ces différences de valeur entre les êtres vivants, revient au fond à les juger selon la ressemblance plus ou moins grande de leur sensibilité à la nôtre. Mais cela est un critère tout à fait subjectif. Qui donc sait parmi nous, quelle signification a l’autre être vivant pour lui-même et pour le Tout ?
Albert Schweitzer, appel à l’humanité, 1964
La conséquence de cette distinction est alors l’idée qu’il existe des vies sans valeur, dont la destruction ou la détérioration seraient permises. Selon les circonstances, on entendra par vie sans valeur, tantôt des insectes, tantôt des peuples primitifs. »
“Par nature, le nationalisme consiste donc en une interprétation pathologique et une transformation de réalités de la vie politique, sur un fond d’idées mégalomaniaques et paranoïaques, produits d’une imagination délirante. Et en opérant ainsi, dans les mentalités, les discours et les actes, le nationalisme ne fait qu’aggraver en permanence la réalité. Les idées de grandeur d’un peuple deviennent pour les autres peuples un état de fait avec lequel il lui faut compter et qui va renforcer ses propres hantises d’être persécuté. Lui-même agit alors dans le même sens sur ses voisins. C’est ainsi qu’une menace d’abord imaginaire devient une menace effective. L’imagination maladive et la réalité perçue forment un cercle dans lequel des représentations de plus en plus insensées et des situations de plus en plus insensées se corroborent mutuellement, pour incliner fatalement la politique vers des actions absurdes et des coups de force.”
Albert Schweitzer, Psychopathologie du nationalisme, 1915